L’ère de la flemme, d’Olivier Babeau : un essai qui secoue notre rapport à l’effort

Qui est Olivier Babeau, l’auteur de L’ère de la flemme ?

Olivier Babeau est connu pour ses prises de position tranchées sur l’évolution de la société française. Professeur d’économie, essayiste et président de l’Institut Sapiens, il publie régulièrement sur les transformations du travail, les dérives de la technologie et les enjeux de l’intelligence collective.

Avec L’ère de la flemme, il s’inscrit dans une tradition intellectuelle qui interroge le progrès et ses effets sur la volonté humaine. Son style est clair, engagé, parfois provocateur. L’essai ne cherche pas à ménager le lecteur. Il veut faire réagir.

Un essai sur la disparition du sens de l’effort

Le cœur de la thèse est simple : nous avons perdu le sens de l’effort.

Babeau articule son raisonnement autour de trois piliers anthropologiques : survivre, appartenir, se réaliser. Ces besoins fondamentaux ont longtemps imposé un effort quotidien : physique, mental, social. Aujourd’hui, ils se sont effondrés, ou plutôt… ont été neutralisés par le confort, la technologie et les protections sociales.

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Résultat : plus rien ne nous oblige à faire effort. Et quand il faut tout de même en fournir un, nous le vivons comme une agression. C’est une société entière qui s’est organisée autour de la recherche du moindre effort, et non plus du dépassement de soi.

Le confort moderne comme piège : la métaphore du canapé

Il y a dans le livre une image marquante : celle du canapé.

Avant son apparition, la journée se découpait en deux états simples : on dormait, ou on agissait. Le canapé introduit une troisième posture : l’inactivité consciente. On ne fait rien, mais on ne dort pas non plus. On scrolle, on zappe, on commente, sans bouger.

Ce basculement n’est pas anodin. Pour Babeau, il incarne la victoire du confort sur l’action. Un confort qui nous aliène. À force de tout obtenir sans peine, même les petites contraintes deviennent insupportables.

Il cite Tocqueville : plus les inégalités diminuent, plus elles paraissent insupportables. Il applique ce raisonnement à l’effort : plus on l’évite, plus il devient invivable.

La jeunesse face à l’effort : un constat alarmant

Babeau ne cache pas son inquiétude. La jeunesse actuelle, selon lui, n’est pas paresseuse par essence, mais désorientée. Elle a grandi dans une société qui valorise la facilité, simplifie les outils, adapte les discours, évite la frustration.

Les symptômes ?

  • Baisse des capacités physiques
  • Recul de la lecture
  • Refus des textes complexes
  • Addiction à l’instantané

Cette tendance ne touche pas uniquement les jeunes. Mais elle y est plus visible, car la transmission intergénérationnelle du goût de l’effort semble rompue. Le moindre obstacle devient source de découragement.

L’école, les écrans, et même certains discours bienveillants participeraient à cet affaiblissement progressif de l’endurance intellectuelle.

Intelligence artificielle et abandon volontaire de l’effort

Babeau ne craint pas que l’IA prenne le pouvoir. Il craint qu’on le lui donne.

Ce n’est pas la technologie qui est en cause, mais notre appétit pour la délégation. Pourquoi apprendre, décider ou rédiger, quand une machine peut le faire à notre place ? Il parle d’abandon volontaire. Une soumission douce, mais radicale.

La menace ne vient pas de l’extérieur. Elle vient de notre propre renoncement. Nous risquons de devenir des spectateurs de notre vie, entourés d’assistants numériques qui pensent, écrivent, choisissent à notre place.

Dans ce contexte, la flemme n’est plus une faiblesse passagère, c’est un modèle de société.

Une critique lucide mais un peu déséquilibrée ?

L’essai est dense, stimulant, parfois provocateur. Il fait mouche, notamment sur le lien entre modernité, confort et désengagement. Mais il penche clairement du côté du pessimisme, au risque de forcer le trait.

Certains lecteurs auraient sans doute aimé une approche plus nuancée, notamment sur les efforts réels fournis par une partie de la jeunesse (écologie, engagements associatifs, etc.). D’autres regrettent l’absence de solutions concrètes : comment redonner le goût de l’effort dans une société qui s’y oppose en profondeur ?

On peut aussi questionner le référentiel très français du livre. Les comparaisons internationales sont peu nombreuses, alors que les dynamiques sociales évoquées ne sont pas spécifiques à la France.

Malgré cela, L’ère de la flemme reste une lecture utile. Non pas parce qu’elle dit ce qu’il faut faire, mais parce qu’elle désigne un malaise que beaucoup ressentent sans toujours savoir comment le formuler.

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