Qui est Leonor de Recondo ?
Leonor de Recondo est l’une de ces écrivaines rares dont l’écriture semble respirer. Violoniste de formation, elle a longtemps conjugué musique et littérature, et cela s’entend dans ses phrases : rythmées, harmonieuses, toujours en tension entre le silence et l’émotion.
Née en 1976, elle a publié une dizaine de romans, dont certains sont devenus des références dans la littérature contemporaine française. Son style est à la fois épuré et charnel, pudique et vibrant. Elle parle du corps, de l’amour, de la mort, de la filiation, sans jamais surligner ses effets. Tout est dans la nuance.
Loin des grandes scènes médiatiques, elle avance par la littérature, avec une fidélité rare à ce qui fait un roman : un regard, une voix, un battement de cœur. Voici les quatre livres à lire si vous voulez découvrir son univers.
1. Amours : sensualité et éveil des corps au début du XXe siècle
Avec Amours, prix RTL-Lire 2015, Leonor de Recondo plonge dans une maison bourgeoise en 1908. Victoire, jeune femme bien mariée mais sans désir, partage sa vie avec un mari notaire plus préoccupé par son rang que par son couple. Le véritable centre du roman, pourtant, n’est ni le mari ni la maîtresse de maison, mais la bonne, Céleste.
Ce roman explore ce que c’est qu’être femme dans une société corsetée, où le corps n’appartient pas à soi. Les désirs sont niés, la maternité est un objectif, non un choix, et l’amour circule là où on ne l’attend pas. Entre Victoire et Céleste se tisse un lien subtil, fait de regard, de soins, de peau. Une sensualité qui s’éveille, tout doucement, sans bruit.
L’écriture est classique dans la forme, mais contemporaine dans la sensibilité. Chaque mot est choisi, pesé. Le roman se lit d’un souffle, comme une partition lente qui prend aux tripes.
À lire si vous aimez :
- les récits d’émancipation féminine,
- les romans d’atmosphère,
- les histoires où l’amour dérange les normes sociales.
2. Point cardinal : la quête de soi à travers la transidentité
Dans Point cardinal, publié en 2017, Leonor de Recondo aborde la question du genre avec une justesse bouleversante. Laurent est père, mari, cadre, mais vit en secret une autre vie : celle de Mathilda, la femme qu’il est au fond de lui. Quand il décide de faire son coming out, c’est un monde entier qui s’effondre — et se reconstruit autrement.
Ici, le sujet est fort, mais le traitement reste sobre. Pas d’effets de style, pas de pathos. Juste la narration d’un basculement intérieur. L’autrice donne la parole à plusieurs voix : Laurent bien sûr, mais aussi sa femme, ses enfants, ses collègues. Tous sont touchés, parfois heurtés, par ce processus de vérité.
Ce roman est un texte de courage, mais aussi de tendresse familiale, de fragilité, et de lente affirmation de soi. On y découvre ce que cela coûte d’être soi, quand cela signifie perdre ce que les autres projetaient sur vous.
À lire si vous cherchez :
- un roman sur l’identité de genre,
- une histoire qui parle de famille, de choix, de transformation,
- une écriture simple et directe, sans compromis.
3. Manifesto : hommage au père et poème sur la mort
Dans Manifesto, l’autrice quitte la fiction pour raconter la dernière nuit de son père, Félix. Il est en soins palliatifs. Leonor veille. Autour d’elle, le silence, la respiration fragile du mourant, la présence muette de sa mère. Pour ne pas se laisser submerger, elle convoque les souvenirs, la musique, Hemingway, et tout ce qui a fait la liberté de cet homme.
Le roman est construit par fragments : alternance entre la chambre d’hôpital et des dialogues imaginaires entre son père et Hemingway, figures d’exil, de combat, d’art. Ce n’est pas un récit tragique. C’est un texte de lumière, de reconnaissance, d’amour filial.
Rien d’appuyé. Juste des éclats de vérité, parfois bruts, parfois poétiques. La mort est là, mais elle n’est pas noire. Elle est acceptée, regardée. Et transformée en art.
Un livre à lire :
- si vous avez connu le deuil,
- si vous aimez les romans très courts mais puissants,
- si vous cherchez une méditation douce sur la fin de vie.
4. Revenir à toi : réconcilier passé et mémoire maternelle
Dernier roman en date, Revenir à toi met en scène Magdalena, comédienne reconnue, qui apprend qu’on a retrouvé sa mère disparue depuis trente ans. Cette femme, internée jadis, s’était effacée sans explication. Magdalena, adolescente à l’époque, a grandi dans ce manque, compensant par le théâtre — et notamment par Antigone, qui devient son double.
Le roman suit un chemin de retour, depuis les scènes d’Avignon jusqu’à une maison éclusière en ruines, où la mère vit recluse. Peu à peu, les gestes remplacent les mots, les silences se remplissent, les rancunes s’adoucissent. Il ne s’agit pas d’expliquer le passé, mais d’apprivoiser ce qu’il reste.
La narration est introspective, parfois suspendue. L’autrice ose les phrases sans ponctuation, les pensées continues, les digressions sensorielles. On est au plus près de Magdalena, dans ses attentes, ses déceptions, sa patience.
À lire si vous êtes sensible :
- aux récits sur la maternité, l’abandon, la réparation,
- à la mise en abyme entre art et vie,
- à une écriture fine, retenue, charnelle dans le silence.
Pourquoi lire Leonor de Recondo aujourd’hui ?
Parce qu’elle écrit ce que peu savent écrire : le corps sans le décrire, la souffrance sans l’apitoiement, l’amour sans cliché. Chaque roman est une variation autour de la quête de soi, la filiation, la mémoire, mais jamais sur le même ton.
Elle fait partie de ces autrices qui savent parler doucement de ce qui fait mal, et transformer l’intime en littérature. Que ce soit à travers une histoire d’amour interdit (Amours), une transition identitaire (Point cardinal), un adieu au père (Manifesto) ou un retour à la mère (Revenir à toi), elle touche juste, avec pudeur et humanité.
Ses romans sont courts, exigeants, accessibles, et se relisent souvent mieux qu’ils ne se racontent.
Pour découvrir une voix singulière dans la littérature française contemporaine, Leonor de Recondo est une excellente porte d’entrée.